• Les vieux murs !

    Les murs  ont de la mémoire ! (j'en suis persuadée.
    Les vieux murs !

    Les vieilles maisonsLes vieux murs !

    Je n’aime pas les maisons neuves : 
    Leur visage est indifférent ; 
    Les anciennes ont l’air de veuves 
    Qui se souviennent en pleurant.

    Les lézardes de leur vieux plâtre 
    Semblent les rides d’un vieillard ; 
    Leurs vitres au reflet verdâtre 
    Ont comme un triste et bon regard !

    Leurs portes sont hospitalières, 
    Car ces barrières ont vieilli ; 
    Leurs murailles sont familières 
    À force d’avoir accueilli.

    Les clés s’y rouillent aux serrures, 
    Car les cœurs n’ont plus de secrets ; 
    Le temps y ternit les dorures, 
    Mais fait ressembler les portraits.

    Des voix chères dorment en elles, 
    Et dans les rideaux des grands lits 
    Un souffle d’âmes paternelles 
    Remue encor les anciens plis.

    J’aime les âtres noirs de suie, 
    D’où l’on entend bruire en l’air 
    Les hirondelles ou la pluie 
    Avec le printemps ou l’hiver ;

    Les escaliers que le pied monte 
    Par des degrés larges et bas 
    Dont il connaît si bien le compte, 
    Les ayant creusés de ses pas ;

    Le toit dont fléchissent les pentes ; 
    Le grenier aux ais vermoulus, 
    Qui fait rêver sous ses charpentes 
    À des forêts qui ne sont plus.

    J’aime surtout, dans la grand’salle 
    Où la famille a son foyer, 
    La poutre unique, transversale, Les vieux murs !
    Portant le logis tout entier ;

    Immobile et laborieuse, 
    Elle soutient comme autrefois 
    La race inquiète et rieuse 
    Qui se fie encore à son bois.

    Elle ne rompt pas sous la charge, 
    Bien que déjà ses flancs ouverts 
    Sentent leur blessure plus large 
    Et soient tout criblés par les vers ;

    Par une force qu’on ignore 
    Rassemblant ses derniers morceaux,                                         
    Le chêne au grand cœur tient encore 
    Sous la cadence des berceaux.Les vieux murs !

    Mais les enfants croissent en âge, 
    Déjà la poutre plie un peu ; 
    Elle cédera davantage ; 
    Les ingrats la mettront au feu ...

    Et, quand ils l’auront consumée, 
    Le souvenir de son bienfait 
    S’envolera dans sa fumée. 
    Elle aura péri tout à fait,

    Dans ses restes de toutes sortes 
    Éparses sous mille autres noms ; 
    Bien morte, car les choses mortes 
    Ne laissent pas de rejetons.

    Comme les servantes usées 
    S’éteignent dans l’isolement, 
    Les choses tombent méprisées, 
    Et finissent entièrement.

    C’est pourquoi, lorsqu’on livre aux flammes 
    Les débris des vieilles maisons, 
    Le rêveur sent brûler des âmes 
    Dans les bleus éclairs des tisons.

     

     

    Sully Prudhomme 
    Les solitudes

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 2 Juin 2017 à 07:11

    oui bien sûr, elles ont un charme certain, mais aussi beaucoup de courants d'air. bisous

    NI AIGLE NI VAUTOUR

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